Zoom sur les étapes de fabrication du chocolat bean-to-bar
Aujourd’hui, la plupart des artisans chocolatiers travaillent à partir de chocolat de couverture, qu’il leur suffit de faire fondre et tempérer avant de réaliser des tablettes, des bonbons ou toutes sortes de moulages.
Nous faisons partie d’une poignée d’artisans chocolatiers à remonter le fil jusqu’à la source : la fève de cacao. Eh oui, en tant qu’artisans bean-to-bar (ce qui signifie littéralement « de la fève à la tablette »), nous transformons nous-mêmes les fèves de cacao en chocolat, comme le faisaient des générations de chocolatiers avant l’industrialisation de la filière.
Cela nous permet de maîtriser l’ensemble du processus de transformation, et de travailler selon nos propres règles, sans aucun intermédiaire. Car fabriquer un chocolat Grand Cru exige de maîtriser chaque geste, de rechercher la meilleure expression aromatique de chaque fève et surtout de prendre son temps. Oui, la patience est le maître-mot pour obtenir un chocolat d’excellence !
Venez, on vous montre toutes les étapes de fabrication du chocolat bean-to-bar, depuis la plantation du cacao jusqu’à la tablette prête à être dégustée.
1. Culture du cacao
Si notre travail commence à partir de la fève de cacao, tout débute en réalité dans les plantations de cacaoyers.
Le cacaoyer est un arbre tropical qui pousse dans un climat chaud et humide, à l’abri de la lumière directe. Pendant la période de floraison, ses branches (même son tronc) se couvrent de fleurs blanches qui attirent les insectes pollinisateurs. Seules quelques fleurs fécondées donnent ensuite naissance aux cabosses de cacao : de gros fruits aux allures de ballons de rugby, qui renferment les fèves de cacao.
La qualité des sols, les modes de culture, les conditions météorologiques, la variété des fèves et la végétation environnante influencent directement le goût du cacao. Les fèves que nous utilisons pour nos différentes tablettes de chocolat proviennent toutes des cacaoyers cultivés en agroforesterie, aux côtés d’autres arbres fruitiers dont les arômes s’invitent discrètement dans les fèves, enrichissant leur palette aromatique.
Par exemple, notre tablette de chocolat Colombie Tumaco 76% illustre parfaitement l’influence de l’environnement sur le goût du cacao. Les cacaoyers de la région de Tumaco sont chatouillés par les brises du Pacifique, ce qui confère aux fèves une légère note iodée, typique de ce terroir unique.
2. Récolte & écabossage
En général deux fois par an, de mai à juillet et de novembre à mars, les cacaoyers sont encerclés par les cueilleurs, à la recherche des cabosses mûres. De couleur jaune ou orange, celles-ci attendent patiemment leur tour.
Les cabosses sont toujours cueillies manuellement, parfois à l’aide d’une gaffe lorsqu’elles se trouvent à plusieurs mètres de hauteur, sur des cacaoyers non taillés.
Les cueilleurs rassemblent ensuite les cabosses au pied des arbres pour passer à l’étape suivante : l’écabossage. Il s’agit d’ouvrir les cabosses d’un coup de machette pour en extraire les fèves, encore entourées de leur pulpe blanche (appelée mucilage).
L’écabossage demande un geste habile et précis, que les producteurs maîtrisent à la perfection ! C’est aussi lors de cette étape qu’un premier tri est effectué, en écartant les fèves abîmées ou pas assez mûres.
Une fois les cabosses ouvertes, le chronomètre se met en marche : les fèves fraîches doivent rejoindre le centre de post-récolte en quelques heures pour démarrer la fermentation.
Et pour y arriver à temps, tous les moyens sont bons : à pied, à dos d’âne, en barque ou en camion… le temps est compté !
3. Fermentation
Au centre de post-récolte, les fèves fraîches sont soigneusement pesées, puis déposées dans de grands bacs en bois. Aucune autre action n’est nécessaire : sous le climat équatorial où poussent les cacaoyers, la fermentation commence naturellement. Elle permet de dissoudre la pulpe blanche qui entoure les fèves.
Le processus se déroule en deux phases : d’abord une fermentation alcoolique (sans oxygène), où le sucre de la pulpe est transformé en alcool, puis une fermentation acétique (avec oxygène, introduit par brassage), durant laquelle l’alcool se transforme en acide acétique. Ce processus fait naturellement monter la température dans les bacs, pouvant atteindre jusqu’à 50°C.
Pendant la fermentation, les fèves doivent être remuées régulièrement afin de permettre à l’oxygène de pénétrer et de développer les précurseurs d’arômes. La durée du processus varie selon la variété du cacao, mais dure en général plusieurs jours, jusqu’à une semaine.
C’est l’une des étapes les plus importantes dans la fabrication du chocolat, car elle influence directement le goût des fèves. Et nos producteurs partenaires en sont de véritables experts. Ils suivent chaque fermentation de près, avec attention et expérience, pour que tout se passe parfaitement !
4. Séchage
Après la fermentation vient le séchage, une étape tout aussi importante. Les fèves fraîchement fermentées sont traditionnellement séchées au soleil, étendues en couches fines sur de grands étendoirs, ou parfois directement sur le sol. Pour assurer un séchage uniforme, elles sont retournées régulièrement tout au long du processus.
L’objectif du séchage est de faire baisser le taux d’humidité des fèves à 6,5% – 7,5%, ni plus ni moins. Des fèves insuffisamment séchées, ou à l’inverse, trop sèches, présenteraient des défauts qu’il serait difficile de corriger par la suite.
5. Transport
Une fois fermentées et séchées, les fèves sont placées dans des sacs en toile de jute pour préserver leurs arômes, puis envoyées vers les centres de contrôle de qualité. Elles poursuivent ensuite leur route jusqu’au port, où elles sont chargées dans des conteneurs dédiés au cacao. Ainsi, elles prennent le large pour voguer sur les océans pendant plusieurs semaines.
Arrivées en Europe, les fèves sont stockées dans des entrepôts spécialement conçus pour le cacao en Belgique, aux Pays-Bas, ou parfois en France. De là, elles entament la dernière étape de leur périple : le fameux « dernier kilomètre » en camion qui les amène devant les portes de notre boutique à Marseille ! Nous y ajoutons le « dernier mètre » : monter les sacs jusqu’à notre laboratoire, à la seule force de nos bras exceptionnellement musclés !
6. Tri
L’arrivée des fèves au laboratoire, c’est un peu notre matin de Noël ! Elles arrivent en grands sacs de toile de jute de 70 kg. Nous procédons alors à un tri méticuleux, à la main, pour retirer les impuretés et les fèves abîmées durant le voyage. Seules les meilleures sont conservées. Nous les goûtons à plusieurs reprises, pour nous assurer de leur qualité.
7. Torréfaction
Les fèves ainsi triées passent ensuite au four pour être torréfiées. Nous utilisons une méthode douce, à basse température, afin de révéler tout leur potentiel aromatique. Elle permet de caraméliser légèrement la matière grasse contenue dans la fève, ce qui accentue son côté gourmand. Après une vingtaine de minutes de torréfaction, les fèves sont lentement refroidies pendant environ une heure, avant de pouvoir être travaillées.
Nous vous conseillons de faire une pause à cette étape de fabrication du chocolat et de croquer dans une fève de cacao torréfiée ! C’est une expérience gustative et sensorielle inoubliable. En prime, vous profitez pleinement des bienfaits nutritionnels du cacao ! Pour cela, nous proposons des fèves de cacao torréfiées de Tumaco en Colombie, pour leur côté puissant, mais peu amer.
8. Concassage & vannage
Après la torréfaction, nous devons débarrasser les fèves de la petite peau qui les entoure, pour éviter toute sensation granuleuse dans le chocolat. Pour cela, nous utilisons une décortiqueuse : une machine assez volumineuse qui permet d’enlever la peau des fèves par le concassage et le vannage. On obtient alors le grué de cacao, que nous utilisons dans toutes nos préparations, et que nous vendons aussi à des chefs et pâtissiers. D’ailleurs, le grué de cacao est parfaitement consommable tel quel. Vous pouvez l’utiliser pour saupoudrer votre muesli, granola ou yaourt du matin.
Que se passe-t-il avec les peaux ? À La Baleine, rien ne se perd ! Nous gardons les plus belles peaux pour élaborer nos infusions de cacao, qui ont déjà séduit un bon nombre d’entre vous ! Une fois les meilleures peaux utilisées, il ne nous reste plus que de la poussière, qui trouve une seconde vie comme paillage dans les jardins. Si cela vous tente, dites-le-nous : on vous mettra un petit sac de côté.
9. Conchage
Une fois le grué de cacao obtenu, place à l’étape du conchage. Peu connue du grand public, elle est pourtant essentielle dans la fabrication du chocolat. C’est là que la magie opère : on adoucit l’acidité naturelle des fèves, on libère leurs arômes profonds, et on crée cette texture lisse et onctueuse qu’on aime tant.
Dans l’industrie, plusieurs machines se relaient : un broyeur, un mélangeur, puis une conche. Des machines puissantes et rapides. Si nous devions adopter toutes ces machines, notre atelier serait vite encombré ! Et surtout, même si elles sont très efficaces, leur rendu est moins intéressant à nos yeux.
En effet, fabriquer du chocolat bean-to-bar, c’est laisser aux fèves le temps d’exprimer leurs arômes, en utilisant des machines modernes mais simples, inspirées des méthodes traditionnelles, dans l’esprit du mouvement Slow Food.
Chez nous, tout se fait dans une seule machine artisanale, équipée de meules en pierre de granit. À elle seule, elle broie le grué, incorpore le sucre et le beurre de cacao, puis affine la granulométrie du mélange. Enfin, elle brasse et aère le chocolat pour que les arômes s’arrondissent et s’affinent. Tout cela sur un temps long de 2 à 3 jours, qui varie d’un type de fève à l’autre.
Notre savoir-faire a donc toute son importance : nous devons trouver la température et la durée idéales pour obtenir le juste dosage entre la texture en bouche et l’équilibre des arômes. C’est ça, le métier d’un artisan bean-to-bar.
10. Tempérage
Après le conchage, notre chocolat est presque prêt, mais il reste une étape essentielle avant de couler la pâte dans nos moules : le tempérage.
Il s’agit de faire varier la température du chocolat pour obtenir une cristallisation parfaite du beurre de cacao. C’est cette opération de précision qui donne au chocolat son éclat, son croquant, et cette fonte en bouche si agréable. Sans tempérage, le chocolat reste terne, friable et moins agréable en bouche. Bref, pas très tentant.
Pour réaliser le tempérage, on utilise une tempéreuse : une machine qui nous permet de créer une courbe de variation de température pour chaque chocolat, jusqu’à obtenir la température idéale pour le travail. En théorie, ça a l’air simple… mais en pratique, c’est une autre histoire ! Car contrairement au chocolat industriel (standardisé et stable), nos chocolats ont chacun leur propre équilibre chimique. Variété des fèves, taux de sucre, ou encore taux de beurre de cacao… tous ces paramètres influencent leur structure moléculaire.
À nous de trouver la courbe de tempérage parfaite pour chaque chocolat ! Et parfois, il faut aller plus loin, en réalisant des analyses en laboratoire pour mieux comprendre ses propriétés. C’était notamment le cas de notre tablette Pérou Chuncho 90%, qui nous a donné du fil à retordre !
Autre difficulté : aucun indice visuel ou sensoriel ne permet de savoir si le tempérage est réussi avant que le chocolat ne soit complètement solidifié. Et une fois que c’est fait… trop tard pour rattraper une erreur !
Bref, le tempérage est l’un des plus grands défis des chocolatiers, surtout des chocolatiers bean-to-bar !
11. Moulage, Repos & Emballage
Nous arrivons à la dernière étape de fabrication du chocolat bean-to-bar ! Une fois le chocolat parfaitement tempéré, nous le faisons couler dans les moules, tablette après tablette.
Mais pas si vite… Avant de pouvoir les emballer, nos tablettes doivent reposer pendant 24 heures. C’est le temps nécessaire pour que le chocolat se fige complètement et développe toute sa texture.
Enfin, place à la dernière ligne droite : l’emballage et l’étiquetage, sans doute l’étape la moins passionnante du processus.
Et voilà votre tablette toute prête à croquer !