Chocolat bean-to-bar, qu’est-ce que c’est ?

par | Avr 11, 2025 | Cacao

Le terme bean-to-bar, venu tout droit des États-Unis, signifie littéralement « de la fève à la tablette ». Un chocolat bean-to-bar est donc un chocolat fabriqué à partir d’une fève de cacao.

Mais tous les chocolats viennent des fèves de cacao, pardi !

C’est vrai, mais ce qui distingue un artisan bean-to-bar, c’est qu’il maîtrise toutes les étapes de la fabrication du chocolat : de la torréfaction des fèves jusqu’au moulage des tablettes. C’est d’ailleurs ainsi que nous travaillons chez La Baleine à Cabosse.

Pourquoi est-ce important de le préciser ? Venez, on vous explique le mouvement bean-to-bar et ce qu’il change, concrètement, dans le monde du chocolat.

Devanture Baleine à cabosse

L’histoire mouvementée du chocolat

Saviez-vous qu’aujourd’hui, la majorité des artisans chocolatiers en France (et dans le monde) ne fabriquent pas leur propre chocolat ? Ils achètent du chocolat dit « de couverture », prêt à l’emploi, souvent fabriqué par un industriel. Il leur suffit ensuite de faire fondre et de tempérer le chocolat acheté pour réaliser toutes sortes de tablettes, bonbons, moulages et ballotins.

De l’artisanat à l’industrialisation

Mais il n’en a pas toujours été ainsi.  Jusqu’au milieu du XXe siècle, tous les chocolatiers fabriquaient leur propre chocolat, à partir des fèves de cacao. Torréfier, concasser, ou encore broyer les fèves : c’était le passage obligé pour donner naissance à la tablette tant appréciée par leurs clients.

L’industrialisation de la filière a changé la donne. Quelques mastodontes se sont emparés du secteur, capables de produire du chocolat standardisé à grande échelle, à des prix très attractifs. Ainsi, le métier de chocolatier a peu à peu perdu son savoir-faire primaire : la fabrication du chocolat. Seule une poignée de maisons, telles que Bonnat ou Bernachon, a poursuivi la transformation de la fève en chocolat, malgré l’industrialisation croissante du secteur.

Il est vrai que les industriels ont rendu le chocolat accessible au plus grand nombre. Mais cette démocratisation a eu un prix. En quête de rendement et de marges importantes, les géants du secteur ont tiré le prix du cacao vers le bas, au détriment de la qualité des fèves et sans considération pour les producteurs qui vivent sous le seuil de pauvreté. Les fèves sont achetées en gros volumes, au prix négocié en bourse des matières premières.

Résultat ? Le chocolat est standardisé, avec des défauts masqués par des arômes et des additifs. Le goût du chocolat s’uniformise, jusqu’à devenir interchangeable – que ce soit dans une barre chocolatée, un biscuit ou un gâteau industriel.

La (re)naissance du bean-to-bar

Dans ce contexte, le bean-to-bar a vu le jour, porté par une volonté de revenir aux sources, et même d’aller plus loin.

À l’origine de ce mouvement : Robert Steinberg, cofondateur de la marque Scharffen Berger, basée à San Francisco. Si le mouvement bean-to-bar a émergé aux États-Unis, son inspiration, elle, vient bel et bien de France ! C’est en effectuant un stage chez le maître chocolatier Bernachon, à Lyon — l’un des rares à continuer à travailler le chocolat directement à partir de la fève — que Steinberg découvre un savoir-faire artisanal presque disparu ailleurs. Cette expérience sera le point de départ de sa volonté d’importer ce modèle aux États-Unis. Le succès est au rendez-vous : les micro-chocolateries indépendantes se multiplient rapidement outre-Atlantique, initiant un mouvement de fond qui dépasse aujourd’hui les frontières.

Comprendre le chocolat bean-to-bar

Les principes du mouvement bean-to-bar ? Maîtriser toute la chaîne de production du chocolat, de la fève à la tablette. Redécouvrir la fève avec ses subtilités aromatiques et renouer avec les producteurs, longtemps oubliés dans le processus de fabrication du chocolat. Et surtout, réapprendre à faire du chocolat à partir de la fève : torréfier, broyer, concher… Autant d’étapes oubliées depuis des décennies.

Tri des fèves

À l’origine, il y a la fève

La qualité du chocolat se joue dès l’arbre. L’état des sols, le terroir, le climat… De nombreux facteurs influencent le goût du cacao même avant l’apparition de la première cabosse.

Pour limiter la déforestation et protéger les écosystèmes, les cacaoyers sélectionnés par les artisans bean-to-bar sont cultivés en agroforesterie. Ils poussent aux côtés d’autres arbres fruitiers qui apportent de l’ombrage nécessaire à leur épanouissement.

Le bean-to-bar permet aussi de redécouvrir les variétés rares de fèves de cacao qui auraient autrement disparu dans une monoculture à grande échelle qui plante des variétés hybrides résistantes et à haut rendement. Un bel exemple est le cas de la fève Chuncho, une variété ancienne et rare qui a failli tomber dans l’oubli. C’est grâce à la mobilisation des associations et de quelques professionnels du cacao, tels que notre sourceur Cacao Latitudes et la coopérative péruvienne Norandino, que le Chuncho a pu être sauvé. Nous avons décidé de sublimer cette fève rare dans la tablette de chocolat Pérou Chuncho Urusayhua 90%, très douce et crémeuse.

Chez les artisans bean-to-bar, le chocolat est produit en micro-lots (ou micro-batchs), c’est-à-dire en très petites quantités. Cela permet de valoriser des fèves issues d’un seul terroir, voire d’une seule parcelle. Car même chez un seul et même producteur, deux parcelles peuvent donner des fèves aux profils aromatiques très différents !

C’est le cas, par exemple, de nos deux tablettes mexicaines, La Rioja 70% et El Vado 85%. Elles proviennent du même producteur, mais de deux petites parcelles bien distinctes.

Cette approche à petite échelle est aux antipodes de celle des industriels, qui travaillent en très gros volumes et doivent mélanger différentes origines pour obtenir les quantités minimum. C’est aussi pour cela que les variétés de cacao ne sont presque jamais mentionnées sur les emballages du chocolat industriel, contrairement à ce que l’on peut observer dans le vin ou le café.

L’art de transformer les fèves en chocolat

Transformer des fèves de cacao en chocolat est un processus long et complexe, qui demande une habileté des gestes du côté producteur, et du côté artisan bean-to-bar. Regardons cela de plus près !

 Tout commence dans les plantations de cacaoyers. Une fois les cabosses de cacao mûres, les producteurs les cueillent à la main, à coups de machette. Après la récolte, les fèves fraîches sont acheminées au plus vite dans un centre de post-récolte, où elles fermentent pendant plusieurs jours dans des bacs en bois, avant d’être séchées au soleil. Ces deux étapes, gérées par les producteurs, sont cruciales pour obtenir les fèves d’une excellente qualité.

Les fèves ainsi fermentées et séchées sont emballées dans des sacs en toile de jute et entament le voyage pour rejoindre les artisans bean-to-bar, comme nous.

Une fois arrivées dans notre atelier, nous les trions à la main pour écarter les fèves abîmées. Ensuite vient la torréfaction, qui est l’une des étapes les plus importantes pour relever tout le potentiel aromatique de chaque fève. Une fois les fèves sorties du four, nous procédons au concassage et au vannage pour séparer les peaux du grué de cacao qui sera utilisé dans nos préparations. Ensuite, le cacao est broyé et mélangé avec du sucre et un peu de beurre de cacao pour obtenir une pâte lisse qui est ensuite brassée pendant plusieurs heures. On laisse la pâte maturer pendant un certain temps, avant de la fondre, et procéder au tempérage du chocolat. Enfin, le chocolat prêt est versé dans des moules et mis au repos pour refroidir. Après le démoulage, voilà la tablette toute prête !

 Tout cela vous semble probablement compliqué, mais nous allons en reparler dans un prochain article, pour vous aider à comprendre tout le processus de fabrication du chocolat !

Conchage

Le bean-to-bar, un chocolat engagé

 Le bean-to-bar, ce n’est pas uniquement produire du chocolat de très grande qualité. C’est également produire du chocolat engagé, en respectant l’homme et la nature

Les fèves de cacao utilisées pour fabriquer du chocolat bean-to-bar proviennent des cacaoyers qui poussent en agroforesterie et ne contribuent pas à la déforestation massive. Certaines fermes travaillent en bio, d’autres n’ont pas de certificat officiel, même si elles travaillent selon les principes de l’agriculture biologique.

Les familles productrices sont rémunérées à leur juste valeur pour leur permettre de vivre dignement. C’est pourquoi le prix de leurs fèves de cacao ne suit pas la bourse des matières premières. Les coopératives avec lesquelles nous travaillons investissent dans la formation des producteurs afin qu’ils puissent monter en compétences en matière de transformation des fèves et de pratiques d’agroforesterie. Il s’agit d’une chaîne de production vertueuse, où la formation et une meilleure rémunération des producteurs permettent d’obtenir un cacao d’une qualité exceptionnelle, tout en maintenant l’équilibre de la nature.

Le goût comme reflet du geste

 La magie du bean-to-bar ? C’est qu’aucune tablette ne se ressemble ! Au-delà du terroir, de la variété de la fève et du travail des producteurs lors de la fermentation, un autre élément joue un rôle clé : le travail de l’artisan bean-to-bar. Tel un artiste, il travaille la fève selon ses goûts et son inspiration. Ainsi, une tablette au même pourcentage de cacao et issue du même terroir n’aura pas le même goût d’une marque bean-to-bar à l’autre. Chacune a sa propre signature gustative.

Mur de tablettes
En effet, pour devenir un artisan bean-to-bar, il n’existe à ce jour aucun diplôme reconnu par l’Etat. Devenir artisan bean-to-bar, c’est apprendre en autodidacte, aller à la rencontre des producteurs et des artisans expérimentés. Avoir un matériel de pointe ? Inutile, au début ! Avec Claire, nous nous souvenons de nos débuts comme si c’était hier. Fraîchement retournés de Colombie, avec un petit sac de fèves, nous nous sommes installés dans un garage pour faire nos premiers essais. Torréfaction au four traditionnel et décorticage à la main. Essayer, rater, réessayer, réussir… C’est en forgeant qu’on devient forgeron. D’ailleurs, nous parlons de nos débuts et de notre manière de travailler sur notre site, juste ici.

Pourquoi choisir le chocolat bean-to-bar

Vous l’aurez compris, sélectionner les meilleures fèves, cultivées de manière équitable, et maîtriser tout le processus de fabrication donne du chocolat de très grande qualité, qu’apprécient les amateurs comme les experts.

Mais le bean-to-bar n’est pas une certification réglementée, à la différence du label de l’agriculture biologique. Ainsi, n’importe quel fabricant peut utiliser le terme, sans devoir le justifier, ce qui ouvre la porte aux dérives.

Comment alors reconnaître le chocolat bean-to-bar ? Fiez-vous à votre instinct et regardez comment la marque communique. Une chocolaterie bean-to-bar connaît très bien son métier et ses producteurs, et n’hésitera pas à en parler ! Elle vous montrera certainement sur son site ou en vrai lors d’une visite son laboratoire et ses machines. De plus, son engagement pour une filière de chocolat durable sera visible à des kilomètres !

Choisir un chocolat bean-to-bar, ce n’est pas qu’une affaire de goût (même si le plaisir joue un rôle très important !). C’est aussi soutenir une filière durable qui rémunère dignement ses producteurs, qui préserve les variétés ancestrales des fèves, qui lutte contre la déforestation et qui soutient un savoir-faire artisanal.

C’est pour tout cela que la Baleine à Cabosse est membre fondatrice de l’association Bean-to-Bar France qui accompagne l’essor de ce nouveau métier, son savoir-faire, son exigence et ses valeurs.

Bonne dégustation ! 🙂

Bean-to-bar