Le portrait de Michel Barel, expert du cacao

par | Sep 3, 2025 | Actualité

Michel Barel est reconnu comme l’un des plus grands experts du cacao fin au monde. Il a consacré sa carrière à étudier le cacao sous toutes ses coutures, il a sillonné les pays producteurs, rencontré des planteurs, mené des travaux de recherche et publié de nombreux ouvrages de référence sur le monde du cacao.

Une personne inspirante, à qui nous avons posé quelques questions pour comprendre sa passion pour le monde du chocolat !

Le portrait de Michel Barel, expert du cacao

Crédits : Yann Arthus-Bertrand

Qu’est-ce qui vous plaît dans le chocolat ?

J’aime le chocolat. C’est banal, tout le monde aime le chocolat. Et ceux qui disent le contraire sont des menteurs !

Grâce à lui, j’ai pu former mon palais aux subtilités des arômes et aux pratiques de la dégustation, découvrir les artistes de la chocolaterie, leur savoir-faire et leur imagination sans limite. Et puis le chocolat — ou plutôt son principal composant, le cacao — est, depuis les pharmacopées des Mayas et des Aztèques, jusqu’aux plus récentes découvertes, une source de bienfaits reconnus pour la nutrition et la santé.

Mais pour moi, le chocolat c’est surtout le cacao. Un produit bien attachant. Le monde du cacao est sans cesse en mouvement. Par ses innovations et par les questions qu’il pose. Questions techniques, scientifiques, sociétales, économiques, commerciales. Et chaque réponse apporte une nouvelle question. Un feuilleton passionnant. Mondialisation, économie de marché, spéculation, santé et écologie : le monde du cacao est un concentré de notre monde. Tout ça pour un aliment, souvent considéré comme une gourmandise.
Une gourmandise ? Oui ! Mais le chocolat est plus que cela, c’est un plaisir noble, artistique, voluptueux. C’est aussi une nourriture quasi miraculeuse qui apporte un concentré de bienfaits, plus que n’importe quelle autre.

Ce n’est pas pour rien que « Theobroma », l’appellation scientifique du cacaoyer, signifie « nourriture des Dieux ».

Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce métier ?

Le hasard. Mais est-ce vraiment le hasard ? Je travaillais chez Lesieur, à l’autre bout de Paris, quand l’offre d’un poste de chimiste s’est présentée tout près de mon domicile, à l’Institut de Recherches du Café et du Cacao. J’ai sauté sur l’occasion. Le chocolat me tentait plus que les huiles et les margarines.

Faire de la recherche sur le cacao et le chocolat est une aventure sans cesse renouvelée. Une question qui se pose au niveau de la production génère une recherche qui peut parfois durer plusieurs années. Les résultats publiés entraînent de nouvelles questions, de nouvelles demandes et de nouvelles recherches. Et des questions, il en reste largement pour séduire des générations de chercheurs. Connaître de nouvelles espèces, comprendre encore mieux la fermentation du cacao, déchiffrer la composition des arômes, adapter une torréfaction idéale, équilibrer un conchage parfait…

En plus de mes activités de recherche en laboratoire, j’ai été très vite amené à me rendre dans les pays producteurs. Travailler pour le développement des pays pauvres est une action qui rejoint mes valeurs personnelles. Une expérience extraordinaire qui m’a permis de suivre le cacao au plus près de la production, mais aussi de m’intéresser à la vie des petits planteurs, africains, asiatiques ou latino-américains : paysans pauvres des tropiques. Je les ai rencontrés, j’ai milité pour que la spéculation ne leur soit pas aussi cruelle, je les ai mis en contact avec les chocolatiers. En échange, ils m’ont permis de découvrir d’autres horizons, d’autres cultures, d’autres formes de pensée et de relativiser nos petits problèmes d’Occidentaux.

Pourquoi êtes-vous engagé auprès des chocolatiers bean-to-bar ?

J’ai été membre de l’Académie française du chocolat et de la confiserie pendant presque 25 ans. Au milieu des artisans chocolatiers, j’y représentais la recherche scientifique et les problématiques des producteurs de cacao. Mais les valeurs de cette Académie se sont peu à peu éloignées des miennes, jusqu’à une rupture totale.

C’est à ce moment que j’ai été sollicité pour devenir le parrain de l’association Bean to Bar France. Des artisans chocolatiers aux valeurs de qualité et d’excellence, des contacts rapprochés avec la production des fèves de cacao, tout était réuni pour que je m’investisse dans ce mouvement.

Et puis j’aime transmettre. À la fin de ma carrière de chercheur au Cirad, je me suis rendu compte que j’avais accumulé une somme d’informations que j’avais envie de partager. Le mouvement Bean to Bar est une collectivité sensible à ces éléments et de plus, par sa proximité avec la clientèle, elle possède les moyens de les faire circuler.

Me voilà donc à nouveau investi dans une association avec laquelle je partage de nombreuses valeurs. Sans parler de l’ambiance chaleureuse qui règne à chacune de ses réunions. Cerise sur le gâteau, le Summer Camp 2024 m’a permis de réunir mes deux passions : la montagne et le cacao. La réunion avait lieu à Chamonix, où nous avons fait une jolie randonnée, et abondamment parlé du cacao !

Avez-vous un message à transmettre à tous les amoureux du chocolat ?

Prendre son temps.

Prendre son temps pour savourer un chocolat, contempler son aspect, percevoir son odeur, voyager avec la déclinaison de ses arômes.

Prendre son temps pour le comparer avec d’autres. D’autres origines, d’autres chocolatiers, d’autres teneurs en cacao, d’autres associations…

Prendre son temps pour méditer sur toutes les étapes qui ont été franchies pour passer d’un arbre apparu en Amazonie aux premiers âges de la Terre, jusqu’à la tablette dont on hume les fragrances avant de le croquer avec volupté. Tout ça grâce à la rencontre de trois éléments : la variété du cacao, le terroir et le travail des hommes, planteurs tout autant que chocolatiers.

Enfin, prendre son temps pour se dire que, finalement, le meilleur chocolat, c’est celui que vous préférez. Il n’y a pas plus de meilleur chocolat que de meilleur vin. Cela dépend du moment, de l’humeur, de l’envie personnelle.

Crédits photo de couverture : Chrystèle Lacène