Faut-il avoir peur du cadmium dans le chocolat ?

par | Sep 3, 2025 | Actualité

L’affaire du cadmium dans le chocolat fait grand bruit depuis le début de l’été 2025. C’est un risque sanitaire que découvre le grand public… mais pas les acteurs de la filière cacao/chocolat ! La Baleine à cabosse vous propose son analyse.

D’où vient l’inquiétude soudaine du grand public sur la présence de cadmium dans le chocolat ?

Après plusieurs sonnettes d’alarme tirées courant 2025, les Unions Régionales de Professionnels de Santé Médecins Libéraux ont décidé d’adresser au ministère de la santé une lettre ouverte au mois de juin, pointant la contamination de la population française au cadmium. Vous pouvez la retrouver ici.

Ce métal lourd se retrouve dans les aliments pour deux raisons :

1. Présence naturelle dans certains types de sols notamment volcanique
2. Incorporé dans le sol via des engrais phosphatés

Il se retrouve alors dans les végétaux qui poussent sur ces sols, dont certains vont capter et fixer plus ou moins fortement le cadmium. Il est reconnu comme nocif pour la santé. Voir à ce sujet la page que l’ANSES lui dédie.

Cette lettre ouverte affirme que les adultes français sont davantage contaminés que les Italiens, Allemands, ou Américains. Cela proviendrait d’engrais phosphatés produits au Maroc, et utilisés sur nos sols. Donc à cause des produits agricoles qui poussent en France et que nous consommons. Or, le cacao ne pousse pas sous nos latitudes, et provient de climats tropicaux. Les médecins demandent à juste titre une plus forte régulation sur ces intrants chimiques nocifs pour notre santé.

Dans la foulée de cette lettre ouverte, l’UFC Que Choisir a publié les résultats d’une enquête sur la présence de cadmium dans notre alimentation, avec un focus particulier sur les produits chocolatés : le cacao étant connu pour concentrer particulièrement le cadmium. Article à lire ici.

Les résultats de cette enquête portant sur des produits chocolatés industriels ou semi-industriels montrent que les tablettes de chocolat en provenance d’Amérique du Sud, souvent bio et commerce équitable, sont davantage contaminées que les autres.

La conclusion de l’UFC Que Choisir est dangereusement simple : le chocolat bio est dangereux, le chocolat d’Amérique du Sud est dangereux, et les auteurs incitent en conclusion à consommer du cacao africain.

Est-ce une bonne idée ?

La filière cacao-chocolat déjà mobilisée face au cadmium.

Si le grand public découvre la présence de cadmium dans l’alimentation, ce n’est pas le cas des acteurs de la filière cacao-chocolat. Et pour cause : l’Union Européenne est devenue en 2018 la région du monde la plus exigeante en la matière, en imposant des seuils sanitaires à respecter dans les produits alimentaires, notamment chocolatés, en distinguant chocolat noir et chocolat au lait :

• Chocolat noir : seuil de 0,8 milligramme/kg maximum
• Chocolat au lait : seuil de 0,3 milligramme/kg maximum

Les autres grands consommateurs de chocolat que sont les Etats-Unis et le Japon n’ont pas de régulation particulière à ce sujet. La Suisse est alignée sur la réglementation de l’UE.

Ainsi, pour tous les pays producteurs de cacao dits « à risque », c’est-à-dire dont les sols contiennent en moyenne davantage de cadmium, les lots de cacaos sont systématiquement analysés avant d’entrer dans l’Union Européenne.

Depuis la promulgation de cette loi, seuls 2 rappels produits ont eu lieu en France, signe que la filière a su s’adapter et surveiller finement ses seuils de cadmium.

Autre élément essentiel, la contamination des sols au cadmium varie très fortement d’une parcelle à une autre. On ne peut clairement pas parler de contamination de « l’Amérique du Sud », ni même d’un pays. Nos producteurs de cacao conduisent depuis 10 ans maintenant des analyses de sols, parcelle par parcelle, pour déceler les zones contaminées et celles qui ne le sont pas. Ce travail de fond a permis de réduire drastiquement la teneur en cadmium de plusieurs origines, et donc de se conformer à la législation européenne.

En ce qui concerne la Baleine à cabosse, nous avions une productrice en Colombie, exemplaire dans la gestion de sa plantation en agroforesterie, exemplaire dans la qualité du traitement (fermentation et séchage) de ses fèves de cacao, exemplaire sur la connaissance fine de ses variétés génétiques de cacao, bref, un véritable modèle dans la culture cacaotière, avec laquelle nous avons dû arrêter de travailler depuis 2018 car elle ne parvenait pas à réguler ses taux de cadmium. Toutes nos origines sont contrôlées lorsqu’il s’agit de pays à risque, et si les seuils ne conviennent pas, nous mettons fin au partenariat. Ce qui est souvent un crève-cœur car ce sont, derrière, des hommes et des femmes qui dédient leur vie au cacao de qualité et qui perdent gros.

Comment choisir un chocolat de qualité ?

Cela va sans dire : personne ne souhaite s’empoisonner en mangeant. Le bien manger est au cœur du projet de la Baleine à cabosse : fabriquer du chocolat de la fève à la tablette, en micro-lots, selon les principes du bean-to-bar. Donc en utilisant des fèves d’exception, bien sourcées, bien travaillées, souvent labellisées bio, justement rémunérées, dans le respect des hommes, des femmes et de la planète.

L’article de l’UFC Que Choisir incite les consommateurs à choisir son chocolat par le seul prisme du cadmium. L’Afrique, plus gros producteur de cacao et de loin, souffre de pratiques agricoles peu durables, de rémunérations très faibles, des fois du travail d’enfants et souvent de problèmes de qualités sur les fèves. En 30 ans, la Côte d’Ivoire a perdu près de 80% de ses forêts à cause de la culture sauvage du cacao.

Les fèves qui passent dans le circuit industriel sont quant à elles souvent mal travaillées, mal fermentées, et mal stockées.

Pousser les gens à se rabattre exclusivement sur du cacao africain, sans autre critère de choix, c’est faire le jeu des filières industrielles. Et porter un sacré coup à celles et ceux qui se battent pour mettre en place des filières durables et de qualité, en Afrique, en Amérique du Sud et ailleurs. Nous rappelons qu’il existe également de très beaux terroirs de cacao en Océanie et en Asie, dont certains que nous travaillons à la Baleine.

Un chocolat de qualité, c’est un chocolat qui a plusieurs qualités : le goût, évidemment ; la transparence sur l’origine et sur le process de fabrication ; l’impact social et environnemental ; l’absence de contaminations (cadmium, mais aussi pesticides, nickel, ochratoxines…).

Le cadmium est l’une des composantes de la qualité, certainement pas la seule. Il est l’un des facteurs de risques sur notre santé, mais malheureusement pas le seul non plus.

Dans les années à venir, la Baleine à cabosse va continuer à travailler des cacaos d’exception provenant de tous les continents, en veillant à « leurs qualités », en respectant évidemment les normes réglementaires en matière de contamination. Nous sommes fiers de produire nos chocolats dans un continent qui régule ces risques et légifère, et sommes favorables à des réglementations plus strictes en matière d’usage de pesticides notamment.

Longue vie au chocolat de qualité !

Crédits photo de couverture : Céline Cérou